LETTRE
DU PRINCE DE TALLEYRAND
AU
COMTE SEBASTIANI
MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES
EN DATE DU
9 AOUT 1831
Londres, le 9 août 1831
Monsieur le comte,
Lord Palmerston a été interpellé hier soir à la chambre des Communes sur les affaires de la Belgique. Vous verrez qu’il s’est servi avec avantage de la note que vous avez adressée aux Ambassadeurs à Paris et que cette communication quoiqu’elle n’ait pas donné lieu à la lecture de cette pièce, a terminé une discussion qui s’annonçait comme pouvant être vive.
Il parait que la séance de ce soir à la chambre des Pairs sera employée à des discussions où le ministère sera également appelé à répondre sur les affaires de la Belgique ; l’opposition y sera plus forte ; c’est lord Londonderry qui parlera et en général il ne met pas beaucoup de mesure dans ses attaques. Lord Grey lui répondra ; je vous engage à suivre les débats et à vous faire représenter les journaux qui en rendront compte.
La nomination de M. Ancillon au ministère des Affaires étrangères à Berlin répand ici de l’inquiétude dans le Corps diplomatique ; cependant on a toujours la même confiance dans la sagesse de S. M. prussienne et dans les conseils qu’elle peut recevoir du prince de Wittgenstein et du général Witzeleben.
Je viens de voir M. le marquis de Rezende, ministre de don Pedro. Il m’a dit que la décision de l’Empereur était prise et que sous dix ou douze jours il serait en France avec l’Impératrice et la reine dona Maria. S. M. I. place toute sa confiance dans le Roi. L’Empereur a fait part de sa résolution au gouvernement anglais, et après un entretien assez long avec lord Palmerston, il n’a éprouvé aucune opposition de sa part.
Agréez, Monsieur le Comte, l’assurance de ma haute considération.
Ch. Mau. TALLEYRAND.
P. S. Depuis ma lettre écrite j’ai vu M. le chevalier d’Abreu et Lima qui m’a été envoyé par l’Empereur don Pedro. L’Empereur a reçu aujourd’hui des lettres particulières de Lisbonne dans lesquelles on lui parle d’offres faites par le gouvernement actuel de Portugal pour le rachat des bâtiments. Ces nouvelles n’ont fait aucune impression sur l’Empereur parce que, m’a dit M. de Lima, il compte tellement sur la parole du Roi qu’il est sûr d’avance que dans le cas où la négociation serait effectivement entamée, S. M. ne la sanctionnerait pas et rejetterait une telle proposition.
MAE - ARCHIVES DE NANTES - AMBASSADE DE LONDRES - SERIE K - CARTON 11