LETTRE
DU PRINCE DE TALLEYRAND
AU
COMTE SEBASTIANI
MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES
EN DATE DU
11 MAI 1832
N° 352
11 mai 1832
Monsieur le comte,
La motion que lord Ebrington a faite, hier au soir, à la chambre des Communes était conçue dans ces termes : « Nous demandons qu’une adresse soit présentée au Roi pour lui faire connaître respectueusement le profond regret qu’éprouve la chambre des Communes par suite de la retraite des ministres, dans lesquels elle continue à placer une entière confiance. »
La motion avait pour but d’exposer ainsi au Roi
1° que la chambre « conformément aux recommandations contenues dans le discours de la Couronne, a fait et envoyé à la chambre des Lords un Bill, pour une réforme de la représentation du peuple dans lequel Bill, les membres de la chambre des Communes sont convaincus que les prérogatives de la Couronne, l’autorité des deux chambres du Parlement, les droits et les libertés du peuple sont également assurés. »
2° « qu’il est du devoir de la chambre des Communes de faire connaître au Roi que ses sujets attendent l’adoption de cette mesure avec la plus vive impatience et le plus grand intérêt, et qu’elle ne peut pas cacher à S. M. la crainte qu’ils éprouvent que, des essais pour affaiblir le Bill ou pour en atténuer les effets, ne produisent un étonnement mêlé de terreur. »
« qu’en conséquence la chambre se trouve forcée, par son profond attachement pour la personne et le gouvernement de S. M. de supplier humblement le Roi, d’une manière pressante, de n’appeler dans ses conseils que des personnes qui veulent conduire le Bill de réforme à un entier résultat, et de façon à ce qu’il ne soit pas altéré dans ses dispositions essentielles. »
Cette motion a été adoptée à une majorité de 50 voix ; le nombre des votants étant de 496. Il y a lieu de croire que la majorité aurait été plus forte si lord Ebrington avait réduit sa proposition à des termes moins positifs, et s’il n’avait pas exprimé que la chambre des Communes demandait le maintien des dispositions essentielles du Bill.
Il a été décidé que l’adresse de la chambre des Communes, au lieu d’être présentée au Roi, conformément à l’usage, par tous les membres de cette chambre, lui serait remise par ceux seulement qui appartiennent à son conseil privé.
On ne sait rien encore sur la formation du nouveau cabinet. Le bruit s’accrédite, que le duc de Wellington travaille, en ce moment, à l’organiser.
Nous avons pensé lord Palmerston et moi, qu’il était important d’avoir aujourd’hui une conférence sur l’affaire de M. Thorn, afin d’éviter tous les retards que la création d’un nouveau cabinet peut entraîner. Dans cette conférence nous avons rédigé une lettre assez forte au ministre des Pays-Bas. J’aurai l’honneur de vous en envoyer demain une copie.
Agréez, Monsieur le comte, l’assurance de ma haute considération.
Ch. Mau. TALLEYRAND.
MAE - ARCHIVES DE NANTES - AMBASSADE DE LONDRES - SERIE K - CARTON 12