LETTRE
DU PRINCE DE TALLEYRAND
AU
COMTE SEBASTIANI
MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES
EN DATE DU
11 AVRIL 1832
N°335
Londres, le 11 avril 1832
Monsieur le comte,
Les débats sur le Bill de réforme ont continué hier à la chambre des Pairs.
Une longue discussion s’est engagée à l’ouverture de la séance sur des pétitions présentées par quelques bourgs. Elle n’a été pour ainsi dire qu’une suite d’attaques personnelles entre le duc de Richmond, le marquis de Londonderry, le marquis de Cleveland, et lord Falmouth.
La discussion du Bill de réforme a été reprise immédiatement après.
Les discours les plus remarquables ont été ceux des lords Mansfield, Harrowby et Wharncliffe et du duc de Wellington, ils ont rempli presque toute la séance.
Aucun des ministres n’a pris la parole sur le fond de la discussion.
Lord Harrowby a produit une profonde sensation. Il n’a pas caché comme il l’avait déjà fait dans ses précédents discours, qu’il ne pouvait approuver tous les principes du Bill, mais, en même temps il a reconnu et proclamé la nécessité d’une réforme.
« Les vœux du pays sont pour elle, a-t-il dit, et je ne connais pas un homme qui aujourd’hui oserait se charger du pouvoir en prenant pour devise : pas de réforme. »
Après avoir ainsi développé les motifs de son opinion, lord Harrowby a déclaré, qu’il regarderait comme impolitique et dangereux de ne pas voter la seconde lecture. Il a demandé qu’on laissât arriver le Bill au comité où les membres de l’opposition pourraient proposer des amendements jugés par eux nécessaires.
Le duc de Wellington a répondu avec beaucoup de chaleur à lord Harrowby, et a persisté dans son opposition à toute réforme.
Lord Wharncliffe a parlé dans le même sens que lord Harrowby et des mêmes raisons a déduit la même conclusion.
Lord Grantham n’a prononcé que quelques mots. Il a parlé avec force et autorité contre le Bill, au milieu des applaudissements de l’opposition.
La séance s’est terminée après minuit. Les débats continueront ce soir et tout porte à croire que la division aura lieu. Vous recevrez demain de moi une dépêche télégraphique.
J’ai reçu celle du 10, qui donne des nouvelles de plus en plus rassurantes sur la santé de M. le Président du Conseil.
Agréez, Monsieur le comte, l’assurance de ma haute considération.
Ch. Mau. TALLEYRAND.
P. S. Si vous ne recevez pas de dépêche télégraphique, c’est que la discussion sera continuée.
MAE - ARCHIVES DE NANTES - AMBASSADE DE LONDRES - SERIE K - CARTON 12